Nadia Barrientos - Paris Sortilèges
Nadia Barrientos - Paris Sortilèges

Le Diable et la déesse Ishtar

 

Le Diable du Tarot de Marseille du jeu de Pierre Madenié (Dijon, 1709) et une plaque en terre cuite représentant la déesse Ishtar (période paléo-babylonienne, British Museum)

 

‡Le Diable et Ishtar≈

La lame XV des arcanes majeurs du Tarot de Marseille frappe par sa transparence: derrière la figure terrifiante de l’imaginaire du roi des démons de l’époque médiévale, point sans ambages la souveraine mère des Dieux antiques du proche-orient qui essaimera dans tout le bassin méditerranéen: Ishtar-Inanna dont Isis en Égypte, Cybèle en Phrygie, Artémis à Éphèse reprendront le visage à peine voilé et déclineront la puissance grâce à l’expansion et à l’ouverture de l’empire romain.

La division de puissance en une force du bien et une force du mal est relativement récente dans l’histoire des croyances. La plupart des traditions précédant le christianisme ne réduisent pas le mal à un seul visage; aussi les divinités qui lui semblent matricielles, surprennent également par des aspects de bienveillance et de guérison.

Le Diable ou Ishtar avouent la maîtrise des forces occultes dans leur confrontation irrésolue, confrontation qui permet le monde: psychomachie ou transmutation en cours, la notion de “bien” et de “mal”(à laquelle on vouera plus tard la figure du Diable) ne réduisent pas encore la question du pouvoir sur le monde à un manichéïsme stratégique.

Il est encore question, à l’image de la cosmogonie hermétique, de chaos philosophique.

Le Diable, en grec diábolos (“celui qui divise”) répond à un des principes moteurs du Grand Oeuvre alchimique que Paracelse au XVIème s. met en jeu dans la notion de Spagyrie (l’art de séparer et de combiner les principes constituants des corps) et qui fleurit dans la formule Solve et Coagula, “Sépare et recompose”.

Formule appelée à une grande fortune et que l’on retrouve sans trop de hasard sur les bras du Diable du tarot des imagiers du Moyen-Âge, réalisé au début du XXème s. par l’occultiste Oswald Wirth:

Le Diable du tarot des imagiers du Moyen-Âge de Oswald Wirth, 1927.


Dans le manichéïsme primitif comme dans la science hermétique, bien et mal sont deux forces à égalité dans le mouvement du cours des choses: indissociables, elles sont le foyer, la matrice de l’entité divine ou de la pierre philosophale.

Ce n’est que le christianisme imprégné de rémanences gnostiques, qui présupposera au mal une autonomie problématique et rêvera dans la figure du Diable, cet avatar du “mauvais démiurge” de la Gnose l’origine incarnée du mal que l’existence spirituelle des hommes se doit de combattre et in fine d’abolir.

Un trait saillant de l’akkadienne Ishtar est sa faculté d’associer les opposés jusqu’à même provoquer leur inversion.

Comme le diable, elle a la maîtrise des forces occultes.Voilà pourquoi on la représente accompagnée de deux animaux, bouquetins, oiseaux ou fauves que sa souveraineté a réussi à vaincre: ils sont toujours représentés à ses pieds, sous son joug ou saillant de sa matrice. Mater Magna.

La déesse Ishtar, terre cuite, 1700 av.JC, Louvre et “la maîtresse des animaux”, Perse, 2000 av. JC.

 

L’aube minoenne en Grèce dans laquelle elle renaît sous les traits génériques de “la maîtresse des animaux” la qualifie de “Potnia Theron” et sous cette souveraineté sur les forces fauves, elle poursuit ses métamorphoses dans le bassin méditerranéen♦

Ex-voto archaïque en ivoire avec la figure de Artémis Orthia en Potnia Theron, musée archéologique d’Athènes. Plaquette du Louvre: maîtresse des animaux nourrissant deux chèvres, 1250 av.JC, Syrie, musée du Louvre.

 

Articles liés

Nadia Barrientos - Paris Sortilèges

Aucun résultat.

Menu