Nadia Barrientos - Paris Sortilèges

 

Paris est un palimpseste: un livre sans fin ni origine aux pages qui se superposent jusqu’à parfois se confondre et ce faisant, réveillant un dialogue inattendu et passant inaperçu derrière les strates et les reliefs.

Comme le ville, ses églises: chaque église- quelque soit la précision de sa date de fondation-cache toujours une église antérieure quand elle n’en réemploie pas certains vestiges; de cette église en filigrane, encore une chapelle plus ancienne qui souvent recouvre un lieu de culte pré-chrétien. Et ainsi à l’infini…

À Paris, nombreux sont les fantômes des églises-pour beaucoup détruites à la Révolution-qui persistent à confondre la lecture linéaire tant prisée par les sciences de l’histoire et qui entrouvrent derrière la désaffection de leur souvenir, l’intuition d’une page secrète…ou d’une encre sympathique.

Au cœur du Marais, l’église St-Paul St-Louis construite au XVIIème s. sous le règne de Louis XIII jouxte le fantôme d’une église plus vieille encore, St Paul-des-champs attestée dès le VII ème s. au milieu des champs dans cette région marécageuse en dehors des murs de la cité.

L’église St Paul-St Louis, une gravure du XVIIème s.

Des vicissitudes historiques, de l’exil des Jésuites de France en 1762 jusqu’aux aléas de la Révolution Française qui la reconvertit en Temple de la Raison, si l’église St Paul-St Louis pouvait parler, la masse de ses souvenirs ferait pâlir compilateurs et bibliothèques.

La façade de l’église St Paul-St Louis

Le port altier de sa façade à l’italienne semble défier vents et marées: comme la proue d’un navire, l’église qui a vu dans les Misérables de Victor Hugo le mariage de Marius et Cosette, garde le cap des changements et des métamorphoses qui vont et viennent au rythme des circulations de la rue de Rivoli.

C’est à l’intérieur de l’église ou du bateau, sur un des piliers de la nef, le vestige inattendu d’une autre révolution, celle de la Commune de Paris de 1871 qui se présente au regard pour peu qu’on s’y arrête. Presque effacé, comme écrit à l’encre sympathique:

“RÉPUBLIQUE FRANÇAISE OU LA MORT”: le cri d’armes pétrifié d’un communard de passage dans l’église lors des insurrections qui soulevèrent Paris en 1871,  une époque ou défendre la République représentait un danger de mort.

Inscription extraordinaire qui émerveille celui qui la rencontre, elle fut grattée à la suite des évènements sanglants de la Commune mais l’ironie du temps la laisse transpirer malgré la tentative et affleurer comme un murmure persistant, invisible pour le commun.

Peut-être dans cette discrétion le gage d’une survie, que le temps transforme en résistance♦

 

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