Nadia Barrientos - Paris Sortilèges

Liturgies

 

La grille du Parc de Saint Cloud photographiée par Atget en 1925 ouvre un oracle sans fin. Qui s’écrit dans l’ivresse des formes et des gestes survivants aux catalepsies de la mémoire.

Au centre et avançant un front recourbé: un signe en fer forgé occulte ce qu’il montre…ou montre pour mieux cacher ses secrètes survivances. Aby Warburg, dans le hors-champ, attend.

Ponctuation rémanente, oracle coulé dans le forge du temps et dont le moule s’est perdu: Mnémosyne…ensorcelée.

Une baguette de divination étrusque a soudain percé les siècles et se tient droite, ouvrant aux vestiges du château de Saint Cloud incendié en 1870 lors de la guerre franco-prussienne et dont il ne reste que l’écrin paysager comme une matrice oubliée. Les forgerons et les alchimistes du livre éponyme de Mircea Elliade s’en sont allés, marteler des métaux spirituels.

Une baguette des anciens Augures, divins intercesseurs des signes célestes qu’ils interprétaient après avoir au préalable délimité dans le ciel un carré imaginaire à l’aide de leur bâton et dans la terre d’asile symbolique duquel ils attendaient qu’un oiseau traverse…ou qu’un nuage se scinde.

Cette baguette, ce bâton sacré dont la forme dérive à l’évidence du bâton du berger était l’attribut des devins étrusques. On l’appellait “lituus”.

Il fleurira la langue du mot liturgie dans lequel la notion de cadre reste toujours vivante. Mais exempt des ciels et de ses patiences.

Il ressurgit dans la main de l’évêque sous la forme de la crosse, un de ses principaux attributs.

Dont il use pour combattre en général des dragons, symbolisant la victoire du monde chrétien sur les croyances antiques: survivance ironique des paganismes qui se réemploie pour argumenter sa propre défaite.

 

 

 

 

“Hic sunt dracones”: des géographies s’écrivent et bientôt les cartes viendront redoubler le monde d’une certitude aveugle.

Des mondes à arpenter désormais en rêve, et suivant le regard de Robert Smithson qui remonte en spirale la jetée dans laquelle il s’est noyé. Chant profond de ce qui revient, comme un battement de terre. Sépulture ancienne des gestes des augures: que le ciel a fini par déposer dans la mer.

Les bâtons de divination antiques finiront par feindre ouvrir les grilles d’un château fantôme pour sans doute nous rendre à l’intuition des ciels, ces empreintes en creux des visions qui nous précèdent dans le présage de voir des satellites nous offrir en sacrifice au regard aveugle qui est le leur.

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