Nadia Barrientos - Paris Sortilèges

 

 

Un soir, Paris s’endormit…

Le film “Paris qui dort” de René Clair s’ouvre sur une ville inanimée, en catalepsie. Du haut de la Tour Eiffel, Albert, le savant fou gardien de nuit, se réveille sur un Paris entièrement figé: aucune voiture dans les rues, des places désertes, les quelques passants ont été arrêtés dans leurs gestes. À part lui, cinq personnes arrivés dans la capitale en avion semblent avoir échappé au sortilège. S’ouvre alors une déambulation étrange dans  ce théâtre vide où les vues figées de la Place de la Concorde, des Champs-Élysées, etc. se succèdent comme des vues d’optique dans un appareil de projection d’avant la naissance du cinéma.

Un soir, Paris s’endormit…La ville alors scella les destins et les demains, les potentialités narratives et les puissances latentes du désir.

Il faudrait réveiller bien des vertiges pour peut-être espérer frôler ce que Paris charrie de prophéties éteintes, de projections perdues sur l’écran universel de l’âme humaine.

Revenir à cette nuit profonde où les ombres se confondent et ne permettent pas de distinguer la forme du contour, l’être animé du paysage. Cette nuit totale telle qu’à Paris on en traversa d’infinies, de redondantes avant que l’éclairage public ne vienne au XIXème s. par artifice dissiper les monstres.

Cette nuit concrète, cette nuit de l’esprit aussi qui dans la grande ville oublie “ce que dit la bouche d’ombre” et qui plutôt que de travailler intérieurement à la liberté des images sensibles qui y éclosent, se laisse inéluctablement distraire et submerger par cette “poussée rapide d’images changeantes”, ce sortilège du régime de l’attention voué au démembrement gratuit et ininterrompu des sollicitations psychiques et affectives que Georg Simmel associe au rythme logistique implacable de la taylorisation de la conscience dans les grandes villes et à l’abstraction corollaire des rapports sociaux et imaginaires qui y ont siège. (voir Georg Simmel, Les grandes villes et la vie de l’esprit, 1902)

Remonter la nuit, les nuits, d’avant ce démembrement profane de la psyché de Paris dont aucun supplice d’Ancien régime n’anticipa le rite bien trop moderne de synchronisation sociale, universelle.

La nuit, noire comme l’Égypte, noire et blanche comme la dernière phrase écrite par le poète avant de se pendre à une lanterne, la nuit, refuge des dénis, des désirs informulables, des larcins, des fantômes et de leurs crimes. La nuit, grouillante, la nuit fauve, la nuit, sombre écosystème d’une survie à la seule faveur des ombres, de leur étreinte.

La Nuit de l’histoire bien sûr, dont l’Ange survivant est charrié par l’amoncellement exponentiel des ruines du progrès et qui ne scande plus les heures comme antan les liturgies nocturnes des rites de passage des Livres des Morts, des Nycthéméron, dans leur traversée crépusculaire et quotidienne de l’au-delà.

La Nuit du Temps

La Nuit du temps, du temps compté, comptabilisable et rentable: de son avènement dans Paris, d’abord au Moyen-Âge au moment où la ville se développe comme le carrefour économique des échanges et autour duquel le commerce et le profit attirent une concentration croissante de populations, de circulations et où la vitesse s’accélère.

Nul poète comme Rutebeuf au XIIIème s. ne rendit un témoignage plus sensible du bouleversement de la naissance de Paris comme marché où les biens s’échangent au même rythme que la succession des hommes qui vont, qui partent à la faveur des affaires.

Véritable foire à demeure, le Paris du XIIème s. ouvre la page de notre histoire politique, économique sur l’arrière-fond de la crainte -alors vivante- d’une inconstance du sort et du cours du monde, dont la fluctuation ressemble à s’y méprendre au cours de la monnaie.

“Parce que le monde change plus souvent que le denier change” (Rutebeuf, de l’État du monde, 1252)

Le seul mètre-étalon qui vaille est une valeur de plus en plus abstraite qui finit par confondre les hommes avec leurs compétences (c’est la naissance des “métiers” qui remplacent les “états”) les mots avec les choses (souvenons-nous de la “Querelle des Universaux”), les liens avec les biens ( le territoire social de la magie que viendra petit-à-petit remplacer l’économie, relire Marcel Mauss n’est pas de trop).

La Nuit du temps, du temps rationnalisable à destination marchande: c’est l’apparition des horloges publiques dans la ville qui bientôt prendra le pas sur le monopole de la scansion liturgique et quotidienne des cloches des églises sur les gestes du travail.

À Paris, la première horloge publique est installée en 1370 sur la tour du palais de l’île de la cité à la croisée parlante du Pont-au-Change (où les changeurs juifs et lombards changeaient les monnaies au Moyen-Âge, sur des “bancs” qui légueront leur étymologie aux banques modernes).

L’horloge de la “tour de l’horloge” du palais de justice face au Pont-au-Change.

En 1418, la municipalité réclama que l’horloge comportât un cadran extérieur « pour que les habitants de la ville puissent régler leurs affaires de jour comme de nuit ».Ce cadran est orné de deux figures allégoriques de la Justice et de la Loi sculptées par Germain Pilon en 1685.

La mesure du temps s’invente petit-à-petit comme l’outil universel de l’aliénation des rythmes individuels au seul profit du rythme de la spéculation urbaine alors considéré comme l’aiguille d’une justice universelle.

…Et l’histoire va bientôt s’accélérer.

24 images/seconde

24 images/seconde: c’est l’unité de mesure pour que la vitesse de succession d’images fixes parvienne à rendre l’illusion du mouvement. Elle est devenue l’étalon du cinéma. 24 images à la seconde: cette cadence permet de coïncider avec un mouvement fluide, le plus proche de la perception réelle. Les neuro-scientifiques l’expliquent par ce qu’ils nomment “l’effet-phi”: lors de la perception visuelle d’images apparaissant comme successives (mettons: des ampoules qui s’allument successivement dans une enseigne), le cerveau humain comble spontanément les transitions qui les séparent et les raccorde dans la logique d’une transformation qui se confond avec le mouvement.

L’image perçue en mouvement se révèle être le résultat d’un ajustement occulte, aveugle à la conscience.

Comme la perspective en peinture, inventée à la Renaissance: un canevas à l’illusion.

Quelques siècles auparavant, au XVIIème s, alors que la révolution cartésienne venait bouleverser la perception scientifique des phénomènes naturels dont l’expérience intronisait l’intrication causale, traçable par voie expérimentale , le philosophe David Hume, s’intéressant aux causalités plus mystérieuses qui oeuvrent dans la pensée et plus largement dans la mémoire, avança cette chose: c’est l’imagination qui comble les vides de la perception discontinue entre les choses. C’est elle qui raccorde les souvenirs, qui mordance les pensées et qui mêle jusqu’à la noce chymique au sein du bain révélateur qu’est l’expérience, le sentir et le penser, l’inaperçu et l’oublié.

C’est grâce à une fiction que le sujet fait surgir une chose continue à partir d’une expérience en pointillé. Contrairement à la science qui se targue de remonter objectivement le cours des choses, le récit de l’expérience humaine dans le monde n’est pas traçable.

Il faut dès lors remonter le fil des scènes vides qui attendent dans la ville que quelqu’un y dépose un regard, y arrête une émotion, y prépare sans le savoir un souvenir.

Ouvrir cette fenêtre par lequel Alberti, le théoricien de la perspective, attendait d’y dépeindre l’histoire dans son ensemble. Une image arrêtée, un arrêt sur image où observer le mouvement à l’état de puissance, encore latent:

Sebastiano Serlio, décor de scène tragique sur fond de cité idéale, 1545

C’est ici, la matrice de vues multiples que l’imaginaire pictural, théâtral et politique ne vont avoir de cesse de faire se succéder, sur la couche d’apprêt dramatique, historique de la ville. Comme au XVIème s, les décors conceptuels gravés par l’italien Sebastiano Serlio où la ville déserte n’est que l’écrin latent de ressources narratives qui finissent par ne point s’inscrire et par disparaître.

Prétexte à des représentations infinies-et sans doute elles le furent bien qu’imaginées, imaginaires- la scène gravée sur la feuille de papier ne fait montre, passé le temps, que du silence et du désert.

c’est un silence et une vacance similaire que l’on les retrouve dans les photographies de Paris de Charles Marville, photographe préposé dans les années 1860 par le baron Haussmann à capturer la dernière image de lieux de Paris condamnés à disparaître lors des grands Travaux:

Feue la rue du Contrat Social, Charles Marville, 1866.

Le jour d’avant (d’avant la disparition) devient matière à archive, mémoire inerte sur le papier. Le jour d’après qu’un effet phi  inéluctablement raccorde dans le souvenir du regard qui est le nôtre, avoue que les images fixes sont en mouvement puisqu’elles arrêtent l’instant d’avant pour que la perception, la prophétie y déroulent spontanément le mouvement dramatique des images qui nous attendent pour fulgurer…et s’évanouir.

La gravure de décor de Serlio et le portrait photographique “mortuaire” par Marville d’une rue des Halles: deux scènes “tragiques” en attente de mouvement. De part et d’autre, de hautes façades encadrent une rue dont la ligne de fuite débouche sur un arc triomphal, une halle abandonnée.

Il aura fallu attendre le film Paris qui dort de René Clair qui arrête la ville dans le mouvement de l’image cinématographique pour renouer avec le mouvement scellé dans les images et que la mémoire anime, paradoxalement, sans en laisser trace.

À Rebours

Il n’a pas fallu attendre le roman de Huysmans -publié en 1884 comme un clin d’oeil rétrospectif au chef d’oeuvre de George Orwell- pour nourrir le désir d’aller à contre-temps du temps de plus en plus standardisé des sociétés du chiffre et du décompte.

Le temps des révolutions n’est pas celui des calendriers, des horloges: ici, renouer enfin avec le nerf magique d’une pensée qui relie le macro et le microcosme (“ce qui est en bas est comme ce qui est en haut”) et reprendre avec Auguste Blanqui la fable cosmo-politique d’une révolution qui marie les astres aux destinées sociales, humaines.

C’est dans L’Éternité par les astres où le révolutionnaire, au soir de sa vie et enfermé dans la prison du fort du Taureau, livre le chant crépusculaire d’un Ars Combinatoria non pas magique mais politique.  Le modèle cosmique de la révolution astrale y ouvre la fenêtre où “peindre toute l’histoire” des manifestations de la vitalité sociale. Mais bientôt, l’espoir d’un progrès se fracasse sur le constat que la matière de l’univers n’est pas infinie: elle recombine à chaque fois ses éléments pour redonner naissance aux êtres, aux phénomènes. “C’est de l’ancien toujours vieux, du vieux toujours ancien”. Les redites sont alors inévitables dans la succession des évènements qui tiraillent les destins et les hommes se retrouvent sans le savoir prisonniers d’un instant dont ils ignorent la réverbération occulte sur des myriades de parallèles dimensions. Néanmoins: “seul le chapitre des bifurcations reste ouvert à l’espérance”.

                                    Chemins de traverse.

À Paris, jusqu’à la Révolution Française, une chose que l’on oublie trop souvent: le temps, l’espace, les poids et les mesures (kg, litres, etc.) n’avaient pas de mètre-étalon universel. Chaque corporation de métiers édictait son propre système d’équivalences à l’aune duquel il mesurait les denrées dont elle faisait commerce. Aussi, d’abord les poids et les mesures (chopine, muid, aune, scrupule, etc.) étaient toutes relatives suivant la ville -et parfois le marchand- et ouvrait ainsi le territoire à des fraudes invérifiables.

Cette cacophonie urbaine, administrative et commerciale, sévissait aussi à l’heure de mesurer l’espace et d’admettre la ponctualité du temps. Jusqu’alors, l’étalon de mesure de l’espace se vérifiait à l’ombre de la taille du pied du roi qui se modifiait au gré de la succession des souverains(les différents étalons des pieds des rois de France ainsi que les étalons des différents métiers de Paris sont aujourd’hui conservés au musée des Arts et Métiers). De même pour l’heure: malgré la relative exactitude des cadrans solaires et le progrès des horloges mécaniques depuis le XIV ème s, l’heure n’était pas la même partout: les décalages étaient patents, ce qui devint un véritable problème au XIXème s. avec l’avènement du chemin de fer et l’impératif d’une heure équivalente dans toutes les villes de France pour permettre la circulation des trains.

On résolut, au sortir de la Révolution Française, d’adopter le mètre pour uniformiser le système de mesures de l’espace. Afin de familiariser les commerçants avec ce nouveau système, on scella dans la pierre à divers endroits de Paris le nouvel étalon, comme ici, au 13 Place Vendôme:

Mètre-étalon posé au XVIIIème s. au 13 place Vendôme

Avec le mètre sont définies les unités de surface et de volume, de masse et monétaire (le franc germinal émis par la Banque de France créée en 1800). Bientôt, s’impose la création d’une organisation intergouvernementale à visée de coordination internationale du système des mesures.

C’est alors la naissance en 1875 de l’organisme le plus étrange, toujours hébergé dans le pavillon de Breteuil sur les hauteurs de Sèvres, seul vestige du château de St Cloud incendié en 1870: le BIPM (Bureau international des Poids et des Mesures).

Lieu plus gardé qu’une prison de haute sécurité, le BIPM affleure sur les hauteurs de Sèvres en surplomb de Paris comme un canon en joue, défiant la guerre elle-même, passée, présente ou bien future. Éternité par les astres?

Occultisme urbain d’abord, politique et économique bien sûr, son sceau reprend les allégories édifiantes des divinités passées: Hermès et une Parque filant le temps entourent une figuration victorieuse du mètre universel tendant l’étalon rédempteur qui bientôt tendra à harmoniser (aliéner?) le rythme du monde entier: le temps vécu, le temps compté, le temps perdu…et retrouvé.

Sa mission? Coordonner et imposer une grille de lecture universelle de la mesure du temps et de l’espace. Parer à la fraude éventuelle, veiller à infiltrer -jusqu’au plus profond repli du rythme spontané d’un cœur qui battrait la systole insolite d’une liberté conquise-la fiction d’une fréquence ininterrompue sur laquelle bientôt viendra s’écrire l’histoire toujours actuelle du Léviathan du Temps de travail, à la chaîne, hyper-connecté et insolvable.

En sus de veiller, par des ajustements permanents à la concordance et à la synchronisation universelle des unités de mesure dans le monde, le BIPM revêt un aspect que sous d’autres auspices, on qualifierait sans ambiguïtés de “mythique”: il est le maître du “Temps”. Il maintient la garantie du Temps Civil communément admis à échelle internationale en réajustant en permanence les légers décalages qui affleurent entre les deux systèmes de mesure du temps légalement avalisés: d’une part, le TU (Temps Universel) directement attaché à la rotation terrestre et donc légèrement variable (du fait entre autres du ralentissement dû aux phénomènes des marées) et de l’autre, du TAI (Temps atomique international), référence de la mesure du temps dans le monde basée sur la définition de la seconde, la seconde elle-même définie par l’oscillation constante et imperturbable de deux électrons fondamentaux de l’atome de Césium.

Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut”: jamais cette phrase frontispicielle de la Table d’émeraude ne vérifia plus de justesse et ce, alors que le scientisme qui est le nôtre, feint avoir relégué la pensée magique, analogique aux gémonies des superstitions d’Ancien Régime.

                                     L’horloger du temps à Rebours.

Dans son ouvrage Rue des Maléfices, Jacques Yonnet rapporte une curieuse histoire: en 1465, au coeur du quartier latin, rue des Grands-Degrés, tenait boutique un étranger dont l’exotisme était redoublé par l’intrigante activité qu’il exerçait: il fabriquait des machines à compter les heures. Il était horloger. Il jouait (il trichait peut-être avec le temps). Bien qu’il côtoyait les gitans qui campaient alors au bord de la Seine, sa clientèle se comptait parmi les nobles parisiens les plus aisés. À ceux-ci, ils avaient destiné des montres sur-mesure qui-chose étrange- plutôt que de décompter la marche du temps, fonctionnaient à rebours: chaque minute poursuivait un rajeunissement inexorable. Un jour, les nobles firent effraction dans l’échoppe de l’étranger: ils étaient redevenus adolescents et étaient terrifiés à l’idée de retomber dans la période de l’enfance qui inéluctablement les rapprochait d’une mort qui se confondrait avec le jour de leur naissance. L’horloger leur répondit qu’il n’y pouvait rien. Furieux, les nobles se retournèrent vers lui et lui firent remarquer qu’alors qu’eux rajeunissaient à une vitesse galopante, lui, au contraire n’avait pas accusé un seul changement depuis qu’ils le connaissaient. Biber leur révéla son secret: il possédait une montre dont le mécanisme allait dans les deux sens: la même aiguille qui lui faisait prendre une ride la lui retirait l’instant d’après; ainsi était-il éternel.

Quelques jours plus tard, on retrouva pêle-mêle parmi les pendules fracassées les cadavres des nobles dans l’atelier de l’horloger. Ils étaient probablement venus chercher cette montre unique et s’étaient battus. Ils ne l’avaient pas trouvée. Oswald Biber, lui, avait disparu.

Quand on prit les dépouilles pour aller les enterrer au cimetière, on constata que leurs montres s’étaient arrêtées.

                                         Temps de pose.

Cité idéale de la Renaissance, vers 1480 et photographie du Boulevard Saint Germain, Charles Marville vers 1870.

À rebours du temps des horloges, comme le temps de la révolution ou celui de l’amour, le temps figé des fantômes que la représentation semble avoir arrêtés: ceux des premières photographies où le temps de pose, parce qu’il était très long, ne permettait pas de capturer sur la plaque sensible les figures vivantes des passants. Ce sont alors des images d’un Paris étrangement désert qui rappellent les vues idéales des Cités de la Renaissance ou encore les scènes de théâtre mnémotechniques à l’usage de l’art magique de la Mémoire: des canevas aux puissances dramatiques latentes où venir exercer, suivant l’imaginaire propre à l’histoire-à ses trappes de scène, à ses souffleurs, à ses coulisses- la hantise fugace d’une coïncidence qui prend naissance dans le regard de chacun.

Alors viennent les fantômes, comme dans les entrées réglées des spectres au premier acte des ballets. On se souvient de la première photographie (un daguerréotype de Daguerre pris en 1838 depuis la fenêtre de son atelier boulevard du Temple) à avoir capturé un homme, le premier à s’être laissé prendre au milieu de la foule grouillante qui s’est évanouie autour de lui, comme par magie:

Boulevard du Temple, Daguerre, 1838.

il lève la jambe droite qu’il a posé pour se faire cirer les chaussures. À l’arrêt dans l’orchestre cacophonique du boulevard dont il faut deviner les imbroglios de voitures et de badauds, c’est le viatique -non pas d’un avenir faits d’honneurs et de prestige tel qu’il est peut-être en train de le rêver comme un personnage futur de Maupassant-mais le gué d’un petit métier, d’un “gagne-petit” qui lui ouvre sans le savoir l’inscription éternelle dans le souvenir.

Passeurs ou bien passants, les figures sont traversantes. Qu’elles surgissent un instant dans la lumière qui les capture, les voilà qui vite se confondent derrière l’ombre des coutures d’un réel dont le théâtre est le décor. Suivant la fréquence normalisée du temps d’effraction universelle ou briguant un rythme de résistance qui leur est propre, elles défilent et se succèdent, parfois s’accrochent au vice mécanique d’un arrêt, d’une pause, d’une panne, d’une redite, d’un flashback.

Trouble mnésique ou faux souvenir: l’histoire est une fiction, la fiction est une couture, la ville tait ses ravaudeuses.

Un temps de pose trop long y a dilué les figures du premier plan, les acteurs anonymes dont seule la rumeur a persisté un temps jusqu’à se dissoudre. Ressurgissent parfois les repentirs, lorsque les couches successives de réécritures et de ressouvenirs finissent par ployer et que gondolent jusqu’aux esquisses du sensible.

Persistance rétinienne -ou résistance, les fantômes reviennent marteler comme les petits métiers sur la forge du temps absout, que le temps est la seule monnaie d’échange que se disputent ceux qui vivant meurent, tandis que ceux qui survivent, ne le font qu’au prix d’une liberté qu’une solidarité mystérieuse travaille à la marge des images captives, des rythmes homologués et des honneurs posthumes.

Comme sur cette photographie d’Atget,

Eugène Atget, Rue des Nonnains-d’Hyères, 1899

où la rue passante du Marais ne réserve au premier plan que les spectres labiles des quelques hommes qui nous font face sous l’enseigne du café du célèbre rémouleur.

Sont-ils trois, quatre, sont-ils foule peut-être…le seul morceau charnel que le sang semble irriguer encore est ceci qui s’est crispé et s’est figé comme par la mort : les doigts serrés du porteur de charrette dont l’effort finit par se confondre avec la charge.

 

                                                            
Arrêt sur image

Il faudrait arrêter le cours des images qui se succèdent dans le flux universel exponentiel des fantômes qui nous habitent. Réserver un interstice et une vacance au seul délassement de l’écran seul: méditation, respiration, désœuvrement comme le silence.

Camera oscura: chambre nuptiale, nuit secrète.

C’est anciennement dans les théâtres, la tradition superstitieuse d’y allumer une lampe au centre de la scène pendant la nuit pour y veiller l’absence concrète: au matin, la continuité réelle de l’illusion était alors retrouvée intacte et servait ainsi de cadre au spectacle qui pouvait dès lors s’y poursuivre. Comme la couture qu’opère le rêve, comme la Vestale qui garde le Feu.

Il faudrait endormir Paris comme le film de René Clair, comme les matrices des mages de la mémoire et des premières photographies. Isoler le cadre seul où tout n’est qu’en puissance même si tout a déjà lieu. 

“Tout nous arrive précisément, précisément maintenant. Des siècles de siècles et c’est seulement dans le présent que les faits se produisent” (Borges, le jardin aux sentiers qui bifurquent)

Il faudrait, comme le suggère Benjamin lui-même inspiré par Fustel de Coulanges, pour amarrer notre regard au plus proche de l’existence d’un évènement passé, oublier provisoirement tous les évènements qui lui ont succédé et dont notre jugement est comme enceint. Une “suspension temporaire de la crédulité” telle qu’elle existe en littérature: un contrat tacite, voire inconscient, qui autorise de se plonger dans la fiction, d’y goûter sans s’y confondre.

Parce que le passé cumule à chaque instant les présents qui meurent et dont parfois nous sommes les témoins, le passé n’est jamais le même et souffre d’être devancé par ses fantômes, d’être, rituellement, démembré par ses images.

Il faudrait, comme aux temps pré-capitalistes du travail agricole réglé sur les saisons, renouer avec l’exception festive qui venait dissiper le surplus de production dans le sens excédent d’une dépense excessive et dionysiaque. Partager puis brûler dans un feu de joie toutes les images et les passés qui parce qu’on les partage doivent disparaître.

Le bain révélateur des photographes résonne étrangement avec le bain philosophique des alchimistes: des scories tôt ou tard finissent par se former, par retomber ou s’envoler.

La matière fixe l’esprit, un instant. Dans un éclair, se précipitent les anonymes sur la scène:

Marchand de paniers | Atget


Marchand d’herbes | Atget


Chiffonnier | Atget


Chanteur de rue | Atget


Mouleur | Atget


Pâtissier | Atget

l’un après l’autre comme en cette chaîne d’or philosophique de la Scala Naturae où les demeures célestes communiquent avec celles des profondeurs et par laquelle les êtres du passé ressurgissent dans l’Ici voilés par le regard de l’enfance, ils apparaissent comme des allégories anciennes dont les attributs, ensorcelés, ont escamoté les sceptres insignes et les couronnes pour de vulgaires outils de pauvres (une guitare, un panier, une charrette) qui font se survivre un métier.

L’un après   l’autre, l’un à côté de l’autre comme dans un recueil impersonnel de modèles, une galerie posthume d’hommes illustres, le marchand d’herbes, le chiffonnier, le chanteur et le mouleur déclinent leurs servitudes, leurs libertés aux seuls spectateurs qu’ils achalandent force de voix, d’ombres, portées.

Les célèbres “Cris de Paris” dont ils taillaient leur costume -pour être identifiables au su de tous- ont été presque tous oubliés, la publicité les a remplacé. Du paysage sonore nuit et jour de la ville qui incommodait la quiétude de plus d’un (les témoignages sont pléthore en littérature), il reste l’inquiétant murmure sur lequel la fréquence automobile a superposé ses pistes, noyant dans un grand “vraoum” les saillies époumonées de leur survie.

Il faudrait être chiffonnier ou marchande d’Arlequins, pour à rebours venir chercher dans les vestiges fangeux de cet exil, en filigrane des réaménagements urbains et des consciences, loin derrière les pages qui ont écrit le progrès et le mieux vivre, les failles ensorcelées où bat encore l’appel humain qu’un autre temps envoie au nôtre comme une insolvable mise en garde: “ne les laissez pas corrompre jusqu’aux images les plus intimes qui au fond de vous sommeillent comme l’issue d’une liberté. Lorsque les images du dehors auront conquis le plus profond de vos bastions imaginaires, la guerre sera partout et vous la croirez ailleurs”

                                                          Misdirections

Les magiciens professionnels, les illusionnistes savent plus que quiconque de quoi il en retourne. Eux qui dans chacun de leurs tours, usent de la misdirection, cette technique exercée du détournement de l’attention pour focaliser l’attention de leur public sur un geste insignifiant alors que pendant ce court instant le geste subversif opère au vu de tous …et dans une invisibilité efficace, paradoxale.

L’Histoire est un tréteau où les escamoteurs se survivent: ici, le célèbre tour de “la transaction économique” vole la vedette au trop connu spectacle de “la guerre de religions”. Puis, “le miracle spéculatif et la nécromancie du Capital mort vivant” l’emporte sans conteste face au “potlatch carnavalesque de la fiction convaincante de la dette”. Comme au XVIIème s, sur le Pont Neuf où les Saltimbanques avaient conquis leur royaume face aux changeurs, le recours aux évènements historiques oscille entre croyance et crédit, exaucé par des techniques cinématographiques de surexposition, de fond filé et de travellings stratégiquement floutés et ce, avant l’avènement du cinéma.

À son corps défendant, Paris s’ignore détenir en gage le “truc” qui risquerait de mettre à bas cette patiente mythologie des échanges construits entre les hommes où finissent par se corrompre les biens avec les liens, les affects et les images, l’escamotage stratégique de la mort et sa plu value propitiatoire dans la spéculation rentable des assurances.

Qui saurait vraiment dire si le seuil des Enfers dont chaque ville antique localisait la borne, n’a rien perdu de ses fantômes dans la “Souterraine” de la Banque de France rue de la Vrillière, où, à 26 mètres sous terre et passées les portes blindées indynamitables, tout l’or du pays sommeille comme un tribut offert aux puissances certaines de la mort?

la “Souterraine” de la Banque de France à 26 m sous terre de l’Hôtel de Toulouse, rue de la Vrillière.

Ou bien, qui gagerait comme fer que l’arrêt en 2003 de l’horloge à automates le Défenseur du Temps du quartier de l’Horloge, n’excède pas la simple “plainte pour nuisance” sonore du voisinage recouverte du vernis consensuel de “défaut de budget pour entretien”et convoque l’augure archaïque d’un pressentiment obscur en voie de prophétie?

“Le Défenseur du Temps”, horloge à automates du quartier de l’horloge (Beaubourg), posée en 1979, arrêtée en 2003.

Cette horloge monumentale créée sur commande par l’artiste Jacques Monestier en 1979, fit figure de rite de fondation au cœur de ce quartier nouvellement bâti sur les ruines des îlots insalubres du vieux Beaubourg médiéval, rasés à la fin des années 1960. Reconvoquant sans ambages la dimension mythique du temps à l’œuvre, l’horloge en fonctionnement donnait vie au combat répété d’un chevalier en armure aux prises avec trois animaux figurant les éléments imprévisibles des cycles naturels, le tout sur fond sonore de bruitages tonitruant singeant le tonnerre et la tempête.

Bateau ivre, il l’est resté depuis sa mise en sommeil: désormais, rares sont ceux qui se souviennent du carillon extravagant qui à chaque heure venait rappeler à deux pas du Centre Pompidou, qu’un défenseur armé veillait sans discontinuer à se confronter à l’invisible, à battre l’impossible, à se mesurer peut-être…à des moulins à vent.

Jusqu’à il y a peu, une plaque subtile autant que facétieuse, rappelait sous la sculpture inanimée l’ironie d’une telle déroute:

l’esprit court les rues, il faut le croire, et c’est sans doute une puce qui vint briguer l’oreille d’un voisin plus attentif que ses semblables, qui déposa ladite plaque, se rendant compte de la farce.        

Il reste que: le Défenseur du Temps est à l’arrêt. Farce? Stratégie? Sortilège? Le Temps universel, lui, continue à l’autre bout de Paris, sur les hauteurs de Sèvres, de se réajuster en permanence, sous la vigie 24 h/24 d’un Guet d’experts qui, pour parer au décalage inévitable du mouvement de le terre et de la seconde, infiltre au gré des ans qui se succèdent des secondes fantômes que personne ne relève dans le décompte automatique des cadrans.

À l’image de cette “parenthèse d’oubli” du tour de passe-passe que le boniment gouailleur du bateleur suffit à vouer à ce que le spectateur aura vu sans s’en souvenir, les systèmes qui travaillent à étalonner nos existences sur le seul fil de l’exploitable: le temps, l’usure (dans les deux sens), le détournement de l’attention, l’illusion du mouvement.

Le gouvernement des individus passe par le contrôle de leur attention. Ainsi prospère le réel dont Baudrillard, Foucault, Debord (et d’autres) ne seraient pas étonnés de la semblance avec ce recours de misdirection illusionniste que les systèmes qui nous dirigent ont pipé aux bateleurs avant de les condamner au rang d’”escrocs”.

                                                              Fond filé

En photographie, au cinéma, la technique du fond filé consiste à suivre le mouvement du protagoniste le temps que dure son exposition à la lumière, de manière à rendre flou ce qui l’entoure. N’affleure alors à l’attention de qui regarde, comme réservée sur le fond sourd et chaotique du magma des évènements, que le passage de l’homme ou de l’objet qui se déplace comme la traîne filante d’une étoile qui s’écrit fugacement dans le ciel lourd.

Ironie? Comme l’usage de la perspective en peinture, pour que le regardeur goûte au procédé, il faut que lui-même soit immobile et qu’il reste face à la peinture, face à l’écran, à la place obéissante que lui a préalablement définie l’orchestrateur de l’illusion (le peintre, le cinéaste).”le spectacle dans la société correspond à une fabrication concrète de l’aliénation (…) l’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé (…) apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui, mais à un autre qui les lui représente (Guy Debord, la société du spectacle).

C’est heureux: tout système, toute fabrication d’imaginaire, toute fiction historique si bien ficelée soit-elle, laissent sourdre des failles par où des accidents s’engagent. Avec eux, l’inerte logistique qui présidait mécaniquement à l’entretien de la machine, se découvre soudainement mise-à-mal. Nul penseur comme Paul Virilio n’engagea de réflexion plus à propos sur “l’intelligence des désastres”, ce revers philosophique de la mécanique enténébrante du progrès. À sa suite, pourrions-nous inviter sur cette scène esseulée des images historiques de la ville, comme des éclairs, les déplacements subversifs des spectateurs dans le fond filé du prêt-à-voir.  L’arrière-plan reste flouté à dessein, imaginons seulement Paris, Paris qui grouille de destins en pâture à la synchronisation universelle (faussement démocratique) des horloges:

Dans ses thèses sur le concept d’histoire, Walter Benjamin rapporte ceci: “pendant la Révolution de Juillet (…)lorsque fut venu le soir de la première journée de combat, il se trouva qu’en plusieurs endroits de Paris, simultanément mais de manière indépendante, on tira sur les horloges des clochers. Un témoin qui doit peut-être son intuition à la rime écrivait alors: “Qui le croirait! On dit qu’irrités contre l’heure, de nouveaux Josué, au pied de chaque tour, tiraient sur les cadrans pour arrêter le jour

Quelques décennies plus tard, en 1910 exactement, il arriva cette chose curieuse:

alors que la crue centennale de la Seine avait inondé une grande partie de la capitale et que les riverains se retrouvaient contraints d’inventer des embarcations de fortune pour traverser les boulevards, le 21 Janvier, toutes les horloges publiques de Paris s’arrêtèrent…à 22h53. Compérage occulte dont les bateleurs taisent le recours?

C’est ici une rencontre étrange, de celles dont Benjamin colporte l’éphémère au travers la coïncidence des images qui reviennent d’un passé lointain pour faire noce dans l’éclair d’un présent qu’un seul regard fugacement capture. Et c’est Paris qui regarde désormais le spectacle charrié par la marée de siècles aux ressorts dramatiques qui naufragèrent et où les insurrections comme les étraves polissent leurs œuvres vives dans les abîmes.

Que la ville soit ce Génie du temps ou bien du lieu qui vienne exaucer après coup le désir des émeutiers de 1848 (le temps des sortilèges, comme celui des révolutions n’est pas celui des horloges), on peut en réserver la vraisemblance sur la scène muette où les évènements sont en sommeil. Mais si l’on se risque à poursuivre la partition synchronisée du rythme des évènements qui se succèdent suivant le temps universellement coordonné, la déception est immanquable: le 23 Janvier, le journal Le Petit Parisien revient sur cet incident inattendu: l’arrêt abrupt des horloges succède  à l’inondation soudaine de l’usine à air comprimé sur les rives de la Seine dans le XIIIème qui les alimentait toutes.

Le service clients est alors totalement dépassé. La question qui revient sans cesse: “dans combien de temps le mal sera-t-il réparé?”.

                                                   Mouvement immobile

13 années ont passé: nous sommes en 1923. La Seine est rentrée dans son lit et, aux limites de la ville, l’enceinte de Thiers, qui comprimait Paris dans des limites trop étroites, a été détruite. Comme l’oscillation constante d’un pendule, la mécanique compensatoire semble redresser l’image du réel.

Mais Paris bientôt s’endormira sous la direction de René Clair: la ville s’arrête, les travailleurs se figent, les circulations sont mises en veille. Les tableaux qui se succèdent suivant le rythme de 24 images/seconde, s’ils n’étaient traversés par l’errance -d’abord jubilatoire puis bientôt inquiète- des cinq protagonistes épargnés par le sortilège, singent à s’y méprendre une galerie d’images fixes, de scènes latentes. Ces fictions en puissance où la possibilité de remonter à la source est miraculeusement offerte-où, sans distinction, tout ce qui arrive devient possible- réveillent dans un premier temps l’occasion inespérée de jouissances inattendues pour les cinq acolytes: cambriolage à découvert de la Banque de France, vol des effets des passants, bombances et beuveries. Bientôt, cette liberté nouvelle ne tardera pas à se retourner sur elle-même et à faire montre de son revers-la catastrophe n’est elle pas l’autre face, occulte, du progrès déclarait Hannah Arendt? Le désœuvrement gagne alors l’image: jouir de tout est-il encore profitable lorsqu’on se retrouve seuls au monde?

Paris devient le théâtre absent où les cinq vagabonds vont partir en quête du mouvement perdu, non pas le mouvement effréné de la ville industrielle, accélérée dont le manifeste du futurisme avait en 1910 exaucé l’empire, mais le mouvement fragile des débuts, des commencements: celui de l’enfance du regard, celui de la rééducation après un accident, celui des débuts, de la préhistoire même, du cinéma.

La source du mouvement: pour les anciens, elle était mêlée à l’âme supposée de toute chose qui se déplace, l’homme, les astres. De cette éternité factice dont Auguste Blanqui nous apprend qu’elle “piaffe sur place et rejoue inlassablement les mêmes représentations” (L’éternité par les astres), il reste à sauver cette intelligence farceuse de Paris qui nous échappe, celle-ci qui fige l’attente des évènements dans le regard d’un poète,la scène désaffectée d’un théâtre de la mémoire, le tour de passe-passe d’un bateleur. Celle-ci aussi qui arrête les horloges de la ville au point d’acmé d’une crue du fleuve pour redonner à la conviction que”le temps des révolutions n’est pas celui des horloges” la puissance occulte  du différé.

Tout semble figé dans l’attente d’un évènement qui ne vient pas:

L’énigme du temps, De Chirico, 1910.

Étrangement, l’heure que marquent les aiguilles ne correspond pas à la longueur des ombres au sol.

L’histoire de Paris joue des angles de champ dans le système d’optique de la mémoire. Les scènes parfois s’y suspendent à la faveur d’une catastrophe, d’un raccord, d’une relâche. Le temps s’installe, et alors il faut attendre. Refluent bientôt, à l’aveugle et sans boussole, les derniers rangs, ceux dont le souvenir n’a même pas gardé le nom dans le registre d’un à-coup, d’une méprise, d’une querelle qui se serait frottée aux intérêts juridiques de la ville et leur aurait ainsi permis de surnager, même si de manière ironiquement insignifiante, dans ses archives. Il faudrait avoir la patiente intelligence d’Arlette Farge pour préférer aux archives exploitables la nuit obscure des lanternes magiques où daignent encore apparaître les fantômes. Il suffirait alors d’en faire danser les ombres et de n’y gouter qu’à raison de les permettre d’échapper. Car ici commence la liberté♠

 

 

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